Programme N°138
Je me suis mariée au cours d’un voyage sur les océans. Mes parents m’avaient offert une croisière pour Hawaï pour avoir obtenu mon diplôme de l’école privée de perfectionnement pour jeune-filles et, à bord, j’ai rencontré Gregory, lui aussi ayant reçu cette croisière en cadeau, pour fêter l’obtention de son diplôme à Haward. Tôt un matin, nous accostions et l’orchestre jouait sa dernière chanson, nous avons tiré le Capitaine de son lit pour qu’il nous mari. On dit que les amoureux passent 80 heures ensemble avant que la fameuse question arrive en surface, et cette semaine, nous l’avons enfin fait.
Gregory fut amené à travailler pour une compagnie internationale, gravissant rapidement les échelons du succès. De ce fait, nous avons vécu un peu partout autour du globe, mon fils naissant à Hong Kong et ma fille à Rio de Janeiro. Ils sont désormais grands et ma fille, dans sa phase rebelle, a épousée un cow-boy et est partie vivre en Oklahoma, de tous les états qu’elle aurait pu choisir ! Mon fils vit à Londres, exerçant dans droit international.
J’ai divorcé à San Francisco. Une fois Matthieu établi à Londres et Jessica partie en courant pour l’Oklahoma, Greg me quitta pour sa secrétaire. Il dit qu’il n’aurait pas à voir son visage se craqueler de rides, puisqu’elle était de 25 ans son aînée. Je lui rappelai toutes ces années passée à ses côtés au cours desquelles je l’avais aidé à arriver là où il en était alors ; n’avaient-elle pas compter ? Il me répondit que mon généreux chèques de pension alimentaire parleraient d’eux-mêmes.
Je me fit donc lifter et déménagea pour Paris. Je pris un mignon et vaste appartement dans la Rue Barbette, nichée au cœur du Marais. C’est un ancien château scindé en plusieurs parties. Pour mes appartements, ils firent une grande pièce à deux étages, deux grandes fenêtres coûteuses de 3 mètres de hauts ouvrant sur de petits balcon, une cuisine équipée, une jolie salle de bain et ma chambre était sur ces deux étages, reliés entre eux par un escalier en spirale.
M’étant débarrassé de tout ce qui me rappelait Greg, j’arrivai avec des valises de vêtement et des caisses de livres, mais meubla et décora à partir de rien. C’était drôle ! Les meubles dans mon appartement son du fait-main parce que j’aime ça, pas parce que les enfants ne peuvent pas les casser, pas parce que ça amuse les clients, et pas parce que c’est Parisien. J’appelle ça mon style « Un Américain à Paris » !
Paris vit 24 heures sur 24. Quand Matthieu arriva pour sa premier visite, empruntant le tunnel, nous fîmes une longue marche. Traversant le quartier Juif, nous prîmes place à une petite terrasse de restaurant, « Chez Miriam », qui comportait deux grandes salles. Un teinturier séparait les deux établissements et je m’émerveillais de voir comment les serveurs se précipitaient sur le trottoir avec leurs plateaux de nourriture.
Juste avant le dessert, deux femmes arrivèrent en costumes de pingouin et firent des claquettes entre les tables. Il y avait à peine assez de place pour prendre une chaise et s’asseoir, encore moins pour danser ! C’est ce que j’aime dans Paris ! Tout peut arriver, et arrive généralement. Nous avons beaucoup apprécié le spectacle, glissant une pièce dans la nageoire tendue à la fin du spectacle. Puis vint le café, et une autre longue marche.
C’est ainsi que nous nous retrouvâmes sur le pont des Arts à minuit, les rues toujours pleines de monde et la vie de Paris sur le point de commencer. Mais Matthieu et moi décidâmes de rentrer à la maison et de repartir le lendemain matin. Nous prîmes un petit raccourci par une rue secondaire, un endroit sombre et désert, ce qui nous fit accélérer le pas. Entre deux immeubles, un sans-abri était étendu sur le trottoir, couvrant une bouche d’aération du système d’air conditionné du sol.
Son vieux manteau miteux devait avoir un siècle. Ses vieilles baskets et ses chaussettes sales devaient révélaient d’épaisses jambes blanches qui ressortaient de son jean. Matthieu me tenait le coude et me guida du côté opposé, le contournant rapidement, mais je jetai un œil pour voir s’il était toujours vivant. Il ne bougea pas. L’ayant déjà dépassé de 3 mètres environ, je stoppai net, sans préméditation, retirai le châle de mon cou, me retournai, et revins étendre mon châle sur ses jambes nues. Il ne bougea toujours pas.
Quand je revins dans les bras de Matthieu, il me dit :
« C’était très gentil, Maman. »
Nous continuâmes jusqu’à la maison, et j’ouvris le clic-clac au pied de l’escalier en spirale pour mon fils. La marche nous avait vraiment fatigué tous les deux et, bien que j’avais laissé ma porte ouverte pour que nous puissions parler _nous sommes de véritables pipelettes quand nous sommes tous les deux_ nous tombâmes immédiatement endormis.
Le lendemain matin, j’enfilai ma robe d’intérieur en satin ivoire recouverte de plume et descendit à l’étage. Je fis du café et ouvris les volets de la fenêtre. Je regardai les autres balcons : étant tous alignés, je pourrai rencontrer mes voisins ce printemps en restant simplement assise à mon balcon. Il n’y avait rien de particulier, mais, baissant la tête vers la rue, je le vis !
Mon écharpe était maintenant sur le haut du manteau en laine qui couvrait son jean, et ses épaisses jambes blanches étaient flanquées dans ses chaussettes sales et ses tennis. Il était appuyé contre un immeuble, avec l’air d’être prêt à y passer la journée entière. Je regardai mon châle orange et rose autour de son cou comme j’aurai contemplai un mirage. Mais je sortis de ma contemplation quand je vis qu’il me regardait et je refermai brusquement les volets :
« Matthieu ! » Ma voix était presque éteinte. « Il est sur le trottoir ! »
Matthieu se redressa sur ses coude :
« Qui est sur le trottoir ? »
« Cet homme. »
« Quel homme ? »
« Celui à qui j’ai donné mon écharpe hier soir. »
« Comment sais-tu que c’est le même ? »
« Il a mon écharpe autour de son cou ! »
Matthieu bondit hors de son lit et entrouvrit les volets, jetant un œil à l’extérieur. Il se retourna, farfouilla dans son sac, en sortit une paire de jeans, un sweat-shirt, les enfila et noua les lacets de ses tennis sans mettre de chaussettes :
« Je m’en occupe, maman. Ne t’inquiète pas. »
Mes conseils et avertissements avec lui, il sortit et descendit les escaliers en courant. J’observai d’un œil à travers les volets légèrement entrouverts tandis que Matthieu s’approcha de l’homme. Il décroisa ses longues jambes, s’éloigna du mur du bâtiment, enfouit les mains dans ses poches et écouta tranquillement Matthieu qui parlait en s’agitant. Puis Matthieu sortit son porte-feuille et lui donna un peu d’argent. L’homme sourit, acquiesça dans ma direction et partit lentement. Mon fils attendit jusqu’à ce que l’homme tourne au coin de la rue et revint à la maison.
« C’est un sans abris, Maman. Il a dit qu’il s’était réveillé quand tu lui as mit ton châle sur ses jambes et qu’il nous a suivit jusqu’à la maison parce qu’il voulait nous remercier. Je lui ai dit que tu serais heureuse de savoir que l’écharpe lui avait plu. Il ne reviendra plus. Je lui ai donné assez pour quelques bouteilles de gin et, quand il aura fini de cuver, il ne se souviendra même plus de toi. »
Matthieu et moi passèrent un week-end délicieux ensemble, flânant à travers les magasins de la Place des Vosges, dénichant un petit restaurant sur l’Ile Saint Louis et passant notre dimanche dans les musées. Il prit un train tôt Lundi matin, et m’appela de son bureau pour me dire qu’il était bien arrivé.
A 10 heure environ, je quittai mon appartement, en direction de ma brasserie préférée. J’aime prendre mon petit déjeuner là-bas. Et la pensée de Matthieu assis avec moi persistait en moi. Je sortit gaiement par la porte de devant, boutonnant mon manteau, quand je lui rentrai dedans. Il était appuyé contre le mur de mon immeuble et s’était approchait quand il m’avait vu sortir, se mettant en plein dans mon chemin. Je fis un pas en arrière et dis « Excusez-moi ! », puis je réalisai soudain qui il était, et je restai pétrifié incapable de dire un mot.
Je voulu le contourner, mais il fit un pas de côté et se retrouva encore dans mon chemin. Je le regardai, retrouvai ma voix et dit :
« Que voulez-vous ? »
Il me regardait simplement, un gentil sourire aux lèvres. Pendant ce qui me sembla être une éternité, il ne dit rien. Des pensées désagréables à propos de ses motivations traversèrent mon esprit. Finalement, je dis :
« Si vous ne me répondez pas, alors, laissez-moi passer. » pensant qu’il valait mieux que j’adoucisse ma voix, j’ajoutai : « Je suis heureuse que vus aimiez le châle. »
Une fois de plus je voulu le contourner, et une fois de plus il se mit en travers de mon chemin :
« Vous m’avez donné bien plus qu’un châle. » dit-il.
Essayant frénétiquement de savoir ce qu’il voulait dire, je demandai :
« Qu’est-ce que je vous ai donné ? »
« Quand je me sis réveillé et que j’ai mit votre écharpe, j’ai senti votre parfum et j’ai soudain connu des choses très personnelles à votre sujet. Comme, par exemple, que vous êtes désolée pour moi parce que ce à quoi je ressemblais sur le trottoir est exactement la manière dont vous vous voyez à l’intérieur, et c’est en fait pour vous que vous étiez désolé. » Il me regarda droit dans les yeux, comme s’il n’attendait aucune réponse, et c’était exactement ce que je voulais lui donner : aucune réponse.
Je traçai donc mon chemin malgré lui et partis en direction de ma brasserie.
Ce matin-là, les croissant avaient un goût de purée et la tasse de café tremblait ans ma main. Mes pensées vrombissaient, agitées par la peur et l’inquiétude. Etais-je en danger ? Pouvait-il entrer dans mon appartement ? Devais-je appeler la police ? Je me raisonné par la logique. Cet homme n’avait rien fait d’autre que de me parler gentiment. D’où venait cette peur ? Il pouvait être enquiquinant, mais c’était tout. Et puis, que voulait-il dire par ‘vous vous sentez désolée pour vous-même’ ? Je ne me suis jamais sentie désolée pour moi-même de toute ma vie ! Que voulait-il dire par ‘vous m’avez donné plus qu’une écharpe’ ?
Il ne quittait pas mes pensées, alors j’évitai de rentrer chez moi et fis les boutiques jusque tôt dans l’après-midi. De retour dans la rue Barbette par l’autre bout, je glissai le long des immeuble, espérant me ruer chez moi sans qu’il me voit, s’il était toujours adossé au mur de ma maison, ce qu’il était. Cette fois, il était appuyé de mon côté de la porte et faisait face à la direction opposée, pensant que je reviendrai de là où j’étais parti. A environ 15 mètre de lui, je m’arrêté, me demandant comment le contourner et rentrer chez moi sans qu’il ne me bloque, quand la situation commença à me mettre en colère. N’étais-ce pas moi qui avais été gentille et avais couvert ses jambes nues avec mon châle ? Je me redressai et passai devant lui, mit ma clé dans la serrure, lorsqu’il mit sa main sur mon poignet. Sa main sèche, déshydratée, écailleuse, sur ma fine peau adoucie par la crème me stupéfia par son contraste, dissipant ma colère. Il dit d’un ton grave :
« Je vous ai attendu, et j’ai très faim. J’ai manqué le déjeuner à la soupe populaire, pourriez-vous me donner un repas ? »
Poussée par quelque chose de supérieur à mon entendement, je répondit :
« Moi aussi j’ai faim. Il y a un café au bout de la rue. Laissez-moi vous offrir quelque chose. »
Nous marchâmes en silence et entrâmes dans le café. Son apparence délabrée causa l’observation discrète des quelques clients qui déjeunaient encore. Nous prîmes une table, sans un mot. Que pouvait-on bien dire à un sans abris : « Comment vous êtes-vous retrouvé là ? », « Etes-vous déjà arrivé à quelque chose dans votre vie ? », « Avez-vous toutes vos facultés mentales ? », « Où trouvez-vous vos vêtements ? »
Un serveur arriva et nous donna les menus, qui furent étudiés comme s’ils avaient été le journal de Wall Street. Il me vint soudain à l’esprit qu’il pouvait ne pas savoir quoi me dire lui non plus. Il pourrait me poser exactement les mêmes questions !!!
Je reposai mon menu :
« Quelle est votre nom ? »
« Jean-Claude. »
« Et bien, Jean-Claude, voudriez-vous le menu spécial aujourd’hui ? Avez-vous le temps pour un repas complet ? »
« Oui, ce serait très gentil. » dit-il
Il étudia son menu en fronçant les sourcils. Je lui expliquai qu’il avait le choix entre plusieurs entrées, plusieurs plats principaux et plusieurs desserts. Ses yeux s’illuminèrent pendant qu’il choisissait exactement ce qu’il voulait manger.
« Je n’ai pas fait ça depuis longtemps. » Il semblait absorbé dans un lointain passé. « Dieu est bon pour moi. » soupira-t-il.
« Et bien, c’était toute sa gratitude !? » pensai-je. « Je lui offre à déjeuner et il donne tout le crédit à Dieu ! » Ca me mit de nouveau en colère.
Je n’allez pas lui demander depuis combien de temps il n’avait pas commandé à manger à la carte, et je ne voulais même pas savoir pourquoi. Tout ce que je voulais maintenant, c’était terminer ce déjeuner et sortir de là. Le serveur vint prendre notre commande. J’allais commander du vin mais me repris et quand le serveur fut parti, je demandai :
« Qu’avez-vous fait de l’argent que vous a donné mon fils ? »
« Je me suis acheté de nouveau sous-vêtements. » répondit-il. D’un air penaud, je commandai du vin.
« Vous n’avez pas à faire ça pour moi, » dit-il. « Je ne bois plus du tout. » Mais j’en commandai tout de même.
*Nos entrées arrivèrent. Je me demandai si je devais lui expliquer comment se servir des couverts, mais il s’en sortit plutôt bien avec le couteau, dévorant tout le pain du panier. Puis il se rassit et comme je terminai, il demanda :
« Pourquoi êtes-vous désolée à propos de vous-même ? »
J’avalai ma bouchée et dit :
« Je ne suis pas désolée pour moi-même. »
Il regarda légèrement au-dessus de mon épaule et dit :
« C’est pour ça ? Merci Seigneur. »
Je me retournai pour voir si quelqu’un se tenait derrière moi et en fut saisi. Je n’allais pas jouer à ce petit jeu là. S’il voulait parler à des personnes dans les airs, je n’allais pas prétendre qu’elles étaient là. Je me replongeai dans mon assiette.* Il dit alors :
« Le Seigneur vient de me dire que si vous étiez si désolée pour vous-même, c’est parce que votre mari vous traité comme un animal de compagnie jusqu’à ce que vous ne lui soyez plus d’aucune utilité et qu’il vous jète alors hors de sa vie, comme un sac poubelle. »
Ma fourchette se suspendit dans les airs.*
« Comment le savez-vous ? » demandai-je d’un ton bourru.
Quelles raisons aurait cet homme de jouer au détective pour découvrir des information personnelles sur moi ? Que voulait-il ? Il dit :
« Le Seigneur me l’a dit. » Il sourit et regarda par-dessus mon épaule et fit de grands gestes pour que je fasse de même. Mais je restai stoïque, me rappelant que les simples d’esprits sont réputés pour recevoir des informations des airs. Nos cerveaux émettent des signaux électriques. Peut-être que ces gens les reçoivent ? *Mais comment pouvait-il le savoir ? Je ne me souvenais pas avoir pensé à cela à aucun moment de la journée, ou même cette nuit où je lui avais donné mon châle.
Le serveur nous débarrassa et apporta les plats principaux. Exaspérée, je demandai :
« Et comment ‘le Seigneur’ vous dit-il toutes ces choses ? »
« Je les sais, tout simplement. D’un coup, je vais connaître quelque chose que je ne savais pas auparavant : c’est le Seigneur qui me le dit. »
Son assiette nettoyée et le second panier à pain vidé, Jean-Claude croisa les bars et me regarda d’un air entendu. Je ne voulais pas savoir ce qu’il savait à propos de moi, et me préoccupai donc de ma nourriture.
Puis, il demanda sans détour :
« Pourrai-je prendre une douche chez vous ? »
« Une douche ? » Stupéfaite, j’examinai sa demande. J’avais couvert ses jambes nues dans le froid. Je l’avais nourrit parce qu’il avait manqué son déjeuner à cause moi. Et maintenant, devais-je le laisser venir dans ma maison et utiliser mes affaires personnelles ??
Il dû lire le dégoût sur mon visage, parce qu’il se pencha sur la table et dit :
« Je vous promets que je nettoierai derrière moi ; mais je n’ai pas prit un bain depuis si longtemps que je ne me souviens même plus de ce que ça fait ! »
Comment pouvais-je dire non ?
« Si je vous laisse prendre une douche, allez-vous vous en aller et ne plus traîner autour de ma maison ? Pouvez-vous me le promettre ? »
Il eut un air triste :
« Mais vous m’avez donné quelque chose d’autre l’autre soir avec votre châle, et je ne vous en ai pas encore parlé. »
« Que vous ai-je donné ? » soufflai-je.
« Vous m’avez donné une chance de parler à quelqu’un du Seigneur. »
Les desserts arrivèrent. Il fixait sa tarte tatin.*
« Vous pouvez me parler du Seigneur en mangeant votre dessert » proposai-je.
Il s’éclaira et attaqua sa tarte aux pommes. Entre deux bouchées, il disait :
« J’ai ramassé un papier sur le quai il y a plusieurs mois, *et j’ai lu le Nom de Jésus en haut. Il y avait une représentation de cet homme aux cheveux longs et aux yeux véritablement amicaux. Le papier disait que cet homme était mort pour mes péchés, et il y avait aussi quelques versets de la Bible, puis une prière appelée la « Prière du Pécheur ». J’ai lu ce papier et ai commençais à penser à ma vie. Et j’ai su que j’avais beaucoup péché, alors, j’ai fait cette prière. Cet homme sur le papier, Jésus, est venu en moi. Je ne sais pas comment le dire autrement. J’ai ressenti Sa chaleur, et je me suis senti aimé Je ne me rappelle pas m’être jamais senti aimé, mais je savais que c’était l’amour. Depuis ce jour, je connais simplement les choses. Jésus m’a enseigné à propos du Paradis et je Lui ai demandé si je pouvais y allé et vivre avec Lui. Il a dit oui, mais qu’il fallait d’abord que je parle de Lui à quelqu’un. Je ne connais personne ici et j’ai attendu longtemps pour parler à quelqu’un. Et puis vous avez mis le châle sur mes jambes, et j’ai su que vous m’aviez donné deux choses : le châle, et l’occasion de vous parler de Jésus.
Sa simplicité me toucha, alors je dis :
« D’accord, vous m’avez parlé du Seigneur, et, oui, vous pouvez venir prendre une douche chez moi. On peut y aller ? » Je payai l’addition, et nous partîmes.
Nous marchâmes jusque chez moi sans un mot. *Je savais que ce vieil homme ne représentait aucune menace pour moi, il avait juste un petit vélo dans la tête. Je lui montrai la salle-de-bain, lui donnai une serviette, et il ferma la porte. Mais je ne me sentais pas à l’aise à l’intérieur pendant qu’un étrange monsieur prenait sa douche dans ma salle de bain. J’enfilai donc un manteau et sortis sur le balcon.
Après un assez long moment, je rentrai et trouvai la porte de la salle de bain ouverte, mais aucun signe de Jean-Claude. *Je gravis l’escalier en spirale et il était là, dans mon lit, au milieu de mon confort, ses cheveux shampooinés encore humide sur mon oreiller, les yeux fermés, le bras dans les plumes de ma robe d’intérieur en satin ivoire qui l’entourait, les mains jointes sur sa poitrine. Il semblait prêt à être enterré, sauf avec cette stupide robe. *Dormir dans un lit était probablement quelque chose qu’il n’avait pas fait depuis longtemps qu’il ne s’en souvenait plus.
Je redescendit, ne sachant que faire, quand je me demandai où étaient ses vêtements. Je les trouvai sagement suspendus derrière ma porte de salle de bain, mais sales, et répandant une telle puanteur ! J’eu alors une idée. Je pris ses mesures en mesurant ses vêtements, les mis dans un sac poubelle, essayant de le maintenir fermé pour éviter que l’odeur ne se répande et sortis précipitamment par la porte. La boutique pour homme au bout de la rue fournirait une nouvelle tenue parfaitement adapte, des chaussures au manteau. Je lui pris aussi une écharpe d’homme.
Mes courses prirent plusieurs heures, et de retour, j’appelai d’en bas. Il descendit promptement, enserré dans ma robe d’intérieur :
« Merci. » dit-il simplement et il se dirigea vers la salle de bain.
Je lui tendis mes paquets :
« C’est pour vous. »
Il les prit sans rien dire et entra dans la salle de bain. En en sortant, il avait l’air d’un homme normal. Un sourire fendait son visage d’une oreille à l’autre.
« Comme le Seigneur est bon envers moi !! » jubilait-il.
Je souris simplement. Sur un autre merci, il partit et sans se presser dit :
« Vous ne me reverrez plus. Je suis en route vers le Paradis. Et maintenant ,j’ai de beaux vêtements dans lesquels être incinéré. »
J’allai protester quand il dit :
« Vous ne vous rappelez pas ? Vous m’avez laisser vous parler de Jésus. » Il sourit et dit au revoir.
Je m’imaginai qu’il serait de nouveau devant ma porte, mais j’avais fait tout ce que je pouvais faire pour lui, et je n’avais plus peur.
Un peu avant minuit, après le film de la Deux, je commençai à m’agiter. Je ne savais pas pourquoi, mais il fallait que je retourne à cette grille d’aération pour voir s’il était toujours là, pour savoir si tout allait bien. * J’arrivai juste à temps pour voir une ambulance s’éloigner. Je tirai sur la veste d’un policier qui était à mes côtés :
« Que s’est-il passé ici ? »
« Un de nos citoyens est apparemment mort pendant son sommeil sur cette grille, Madame. »
« Oh ! » je m’étranglais presque, puis décrivis les vêtements que je lui avais acheté. « Est-ce ce qu’il portait ? »
« Oui, tout à fait. Le clochard le mieux habillé que j’ai jamais vu. Le plus heureux aussi : Il avait un grand sourire sur le visage ! *»
« Va-t-il être incinéré dans ces vêtements ? » demandai-je.
« Oh, je ne crois pas. On va les vendre pour payer les funérailles. »
Je passai la moitié de la nuit au commissariat, m’arrangeant pour payer les funérailles s’ils me garantissaient qu’il serait incinéré dans ses vêtements. * Mais une fois arrivée à la maison, je me sentis misérable. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? J’avais fait plus pour ce clochard en un jour que je n’en avait fait pour n’importe qui au cours de toute ma vie. En fait, quand je me remémorais ma vie, j’avais vraiment peu de choses à dire. J’avais été un femme égoïste et arriviste, utilisant les autres à mon seul avantage. Ma réflexion me fit me sentir pire que jamais.
C’est alors que je me souvins de Jésus et dis la petite prière, que Jean-Claude avait je rois appelée la « Prière du Salut ». Je demandai à Jésus de me pardonner, de venir répandre sa vie en moi, et de devenir mon Seigneur. A l’instant où je dis « Amen. », quelque chose de chaud vint en moi. Jésus apparu devant moi. Soudain, je connaissais des choses. Je su à quel point j’étais aimée. Je su que cet Amour ne me quitterait jamais pour quelqu’un d’autre. Je su que Jean-Claude était au Paradis, satisfait et heureux.
Je parti alors me coucher, en paix.
Je me suis mariée au cours d’un voyage sur les océans. Mes parents m’avaient offert une croisière pour Hawaï pour avoir obtenu mon diplôme de l’école privée de perfectionnement pour jeune-filles et, à bord, j’ai rencontré Gregory, lui aussi ayant reçu cette croisière en cadeau, pour fêter l’obtention de son diplôme à Haward. Tôt un matin, nous accostions et l’orchestre jouait sa dernière chanson, nous avons tiré le Capitaine de son lit pour qu’il nous mari. On dit que les amoureux passent 80 heures ensemble avant que la fameuse question arrive en surface, et cette semaine, nous l’avons enfin fait.
Gregory fut amené à travailler pour une compagnie internationale, gravissant rapidement les échelons du succès. De ce fait, nous avons vécu un peu partout autour du globe, mon fils naissant à Hong Kong et ma fille à Rio de Janeiro. Ils sont désormais grands et ma fille, dans sa phase rebelle, a épousée un cow-boy et est partie vivre en Oklahoma, de tous les états qu’elle aurait pu choisir ! Mon fils vit à Londres, exerçant dans droit international.
J’ai divorcé à San Francisco. Une fois Matthieu établi à Londres et Jessica partie en courant pour l’Oklahoma, Greg me quitta pour sa secrétaire. Il dit qu’il n’aurait pas à voir son visage se craqueler de rides, puisqu’elle était de 25 ans son aînée. Je lui rappelai toutes ces années passée à ses côtés au cours desquelles je l’avais aidé à arriver là où il en était alors ; n’avaient-elle pas compter ? Il me répondit que mon généreux chèques de pension alimentaire parleraient d’eux-mêmes.
Je me fit donc lifter et déménagea pour Paris. Je pris un mignon et vaste appartement dans la Rue Barbette, nichée au cœur du Marais. C’est un ancien château scindé en plusieurs parties. Pour mes appartements, ils firent une grande pièce à deux étages, deux grandes fenêtres coûteuses de 3 mètres de hauts ouvrant sur de petits balcon, une cuisine équipée, une jolie salle de bain et ma chambre était sur ces deux étages, reliés entre eux par un escalier en spirale.
M’étant débarrassé de tout ce qui me rappelait Greg, j’arrivai avec des valises de vêtement et des caisses de livres, mais meubla et décora à partir de rien. C’était drôle ! Les meubles dans mon appartement son du fait-main parce que j’aime ça, pas parce que les enfants ne peuvent pas les casser, pas parce que ça amuse les clients, et pas parce que c’est Parisien. J’appelle ça mon style « Un Américain à Paris » !
Paris vit 24 heures sur 24. Quand Matthieu arriva pour sa premier visite, empruntant le tunnel, nous fîmes une longue marche. Traversant le quartier Juif, nous prîmes place à une petite terrasse de restaurant, « Chez Miriam », qui comportait deux grandes salles. Un teinturier séparait les deux établissements et je m’émerveillais de voir comment les serveurs se précipitaient sur le trottoir avec leurs plateaux de nourriture.
Juste avant le dessert, deux femmes arrivèrent en costumes de pingouin et firent des claquettes entre les tables. Il y avait à peine assez de place pour prendre une chaise et s’asseoir, encore moins pour danser ! C’est ce que j’aime dans Paris ! Tout peut arriver, et arrive généralement. Nous avons beaucoup apprécié le spectacle, glissant une pièce dans la nageoire tendue à la fin du spectacle. Puis vint le café, et une autre longue marche.
C’est ainsi que nous nous retrouvâmes sur le pont des Arts à minuit, les rues toujours pleines de monde et la vie de Paris sur le point de commencer. Mais Matthieu et moi décidâmes de rentrer à la maison et de repartir le lendemain matin. Nous prîmes un petit raccourci par une rue secondaire, un endroit sombre et désert, ce qui nous fit accélérer le pas. Entre deux immeubles, un sans-abri était étendu sur le trottoir, couvrant une bouche d’aération du système d’air conditionné du sol.
Son vieux manteau miteux devait avoir un siècle. Ses vieilles baskets et ses chaussettes sales devaient révélaient d’épaisses jambes blanches qui ressortaient de son jean. Matthieu me tenait le coude et me guida du côté opposé, le contournant rapidement, mais je jetai un œil pour voir s’il était toujours vivant. Il ne bougea pas. L’ayant déjà dépassé de 3 mètres environ, je stoppai net, sans préméditation, retirai le châle de mon cou, me retournai, et revins étendre mon châle sur ses jambes nues. Il ne bougea toujours pas.
Quand je revins dans les bras de Matthieu, il me dit :
« C’était très gentil, Maman. »
Nous continuâmes jusqu’à la maison, et j’ouvris le clic-clac au pied de l’escalier en spirale pour mon fils. La marche nous avait vraiment fatigué tous les deux et, bien que j’avais laissé ma porte ouverte pour que nous puissions parler _nous sommes de véritables pipelettes quand nous sommes tous les deux_ nous tombâmes immédiatement endormis.
Le lendemain matin, j’enfilai ma robe d’intérieur en satin ivoire recouverte de plume et descendit à l’étage. Je fis du café et ouvris les volets de la fenêtre. Je regardai les autres balcons : étant tous alignés, je pourrai rencontrer mes voisins ce printemps en restant simplement assise à mon balcon. Il n’y avait rien de particulier, mais, baissant la tête vers la rue, je le vis !
Mon écharpe était maintenant sur le haut du manteau en laine qui couvrait son jean, et ses épaisses jambes blanches étaient flanquées dans ses chaussettes sales et ses tennis. Il était appuyé contre un immeuble, avec l’air d’être prêt à y passer la journée entière. Je regardai mon châle orange et rose autour de son cou comme j’aurai contemplai un mirage. Mais je sortis de ma contemplation quand je vis qu’il me regardait et je refermai brusquement les volets :
« Matthieu ! » Ma voix était presque éteinte. « Il est sur le trottoir ! »
Matthieu se redressa sur ses coude :
« Qui est sur le trottoir ? »
« Cet homme. »
« Quel homme ? »
« Celui à qui j’ai donné mon écharpe hier soir. »
« Comment sais-tu que c’est le même ? »
« Il a mon écharpe autour de son cou ! »
Matthieu bondit hors de son lit et entrouvrit les volets, jetant un œil à l’extérieur. Il se retourna, farfouilla dans son sac, en sortit une paire de jeans, un sweat-shirt, les enfila et noua les lacets de ses tennis sans mettre de chaussettes :
« Je m’en occupe, maman. Ne t’inquiète pas. »
Mes conseils et avertissements avec lui, il sortit et descendit les escaliers en courant. J’observai d’un œil à travers les volets légèrement entrouverts tandis que Matthieu s’approcha de l’homme. Il décroisa ses longues jambes, s’éloigna du mur du bâtiment, enfouit les mains dans ses poches et écouta tranquillement Matthieu qui parlait en s’agitant. Puis Matthieu sortit son porte-feuille et lui donna un peu d’argent. L’homme sourit, acquiesça dans ma direction et partit lentement. Mon fils attendit jusqu’à ce que l’homme tourne au coin de la rue et revint à la maison.
« C’est un sans abris, Maman. Il a dit qu’il s’était réveillé quand tu lui as mit ton châle sur ses jambes et qu’il nous a suivit jusqu’à la maison parce qu’il voulait nous remercier. Je lui ai dit que tu serais heureuse de savoir que l’écharpe lui avait plu. Il ne reviendra plus. Je lui ai donné assez pour quelques bouteilles de gin et, quand il aura fini de cuver, il ne se souviendra même plus de toi. »
Matthieu et moi passèrent un week-end délicieux ensemble, flânant à travers les magasins de la Place des Vosges, dénichant un petit restaurant sur l’Ile Saint Louis et passant notre dimanche dans les musées. Il prit un train tôt Lundi matin, et m’appela de son bureau pour me dire qu’il était bien arrivé.
A 10 heure environ, je quittai mon appartement, en direction de ma brasserie préférée. J’aime prendre mon petit déjeuner là-bas. Et la pensée de Matthieu assis avec moi persistait en moi. Je sortit gaiement par la porte de devant, boutonnant mon manteau, quand je lui rentrai dedans. Il était appuyé contre le mur de mon immeuble et s’était approchait quand il m’avait vu sortir, se mettant en plein dans mon chemin. Je fis un pas en arrière et dis « Excusez-moi ! », puis je réalisai soudain qui il était, et je restai pétrifié incapable de dire un mot.
Je voulu le contourner, mais il fit un pas de côté et se retrouva encore dans mon chemin. Je le regardai, retrouvai ma voix et dit :
« Que voulez-vous ? »
Il me regardait simplement, un gentil sourire aux lèvres. Pendant ce qui me sembla être une éternité, il ne dit rien. Des pensées désagréables à propos de ses motivations traversèrent mon esprit. Finalement, je dis :
« Si vous ne me répondez pas, alors, laissez-moi passer. » pensant qu’il valait mieux que j’adoucisse ma voix, j’ajoutai : « Je suis heureuse que vus aimiez le châle. »
Une fois de plus je voulu le contourner, et une fois de plus il se mit en travers de mon chemin :
« Vous m’avez donné bien plus qu’un châle. » dit-il.
Essayant frénétiquement de savoir ce qu’il voulait dire, je demandai :
« Qu’est-ce que je vous ai donné ? »
« Quand je me sis réveillé et que j’ai mit votre écharpe, j’ai senti votre parfum et j’ai soudain connu des choses très personnelles à votre sujet. Comme, par exemple, que vous êtes désolée pour moi parce que ce à quoi je ressemblais sur le trottoir est exactement la manière dont vous vous voyez à l’intérieur, et c’est en fait pour vous que vous étiez désolé. » Il me regarda droit dans les yeux, comme s’il n’attendait aucune réponse, et c’était exactement ce que je voulais lui donner : aucune réponse.
Je traçai donc mon chemin malgré lui et partis en direction de ma brasserie.
Ce matin-là, les croissant avaient un goût de purée et la tasse de café tremblait ans ma main. Mes pensées vrombissaient, agitées par la peur et l’inquiétude. Etais-je en danger ? Pouvait-il entrer dans mon appartement ? Devais-je appeler la police ? Je me raisonné par la logique. Cet homme n’avait rien fait d’autre que de me parler gentiment. D’où venait cette peur ? Il pouvait être enquiquinant, mais c’était tout. Et puis, que voulait-il dire par ‘vous vous sentez désolée pour vous-même’ ? Je ne me suis jamais sentie désolée pour moi-même de toute ma vie ! Que voulait-il dire par ‘vous m’avez donné plus qu’une écharpe’ ?
Il ne quittait pas mes pensées, alors j’évitai de rentrer chez moi et fis les boutiques jusque tôt dans l’après-midi. De retour dans la rue Barbette par l’autre bout, je glissai le long des immeuble, espérant me ruer chez moi sans qu’il me voit, s’il était toujours adossé au mur de ma maison, ce qu’il était. Cette fois, il était appuyé de mon côté de la porte et faisait face à la direction opposée, pensant que je reviendrai de là où j’étais parti. A environ 15 mètre de lui, je m’arrêté, me demandant comment le contourner et rentrer chez moi sans qu’il ne me bloque, quand la situation commença à me mettre en colère. N’étais-ce pas moi qui avais été gentille et avais couvert ses jambes nues avec mon châle ? Je me redressai et passai devant lui, mit ma clé dans la serrure, lorsqu’il mit sa main sur mon poignet. Sa main sèche, déshydratée, écailleuse, sur ma fine peau adoucie par la crème me stupéfia par son contraste, dissipant ma colère. Il dit d’un ton grave :
« Je vous ai attendu, et j’ai très faim. J’ai manqué le déjeuner à la soupe populaire, pourriez-vous me donner un repas ? »
Poussée par quelque chose de supérieur à mon entendement, je répondit :
« Moi aussi j’ai faim. Il y a un café au bout de la rue. Laissez-moi vous offrir quelque chose. »
Nous marchâmes en silence et entrâmes dans le café. Son apparence délabrée causa l’observation discrète des quelques clients qui déjeunaient encore. Nous prîmes une table, sans un mot. Que pouvait-on bien dire à un sans abris : « Comment vous êtes-vous retrouvé là ? », « Etes-vous déjà arrivé à quelque chose dans votre vie ? », « Avez-vous toutes vos facultés mentales ? », « Où trouvez-vous vos vêtements ? »
Un serveur arriva et nous donna les menus, qui furent étudiés comme s’ils avaient été le journal de Wall Street. Il me vint soudain à l’esprit qu’il pouvait ne pas savoir quoi me dire lui non plus. Il pourrait me poser exactement les mêmes questions !!!
Je reposai mon menu :
« Quelle est votre nom ? »
« Jean-Claude. »
« Et bien, Jean-Claude, voudriez-vous le menu spécial aujourd’hui ? Avez-vous le temps pour un repas complet ? »
« Oui, ce serait très gentil. » dit-il
Il étudia son menu en fronçant les sourcils. Je lui expliquai qu’il avait le choix entre plusieurs entrées, plusieurs plats principaux et plusieurs desserts. Ses yeux s’illuminèrent pendant qu’il choisissait exactement ce qu’il voulait manger.
« Je n’ai pas fait ça depuis longtemps. » Il semblait absorbé dans un lointain passé. « Dieu est bon pour moi. » soupira-t-il.
« Et bien, c’était toute sa gratitude !? » pensai-je. « Je lui offre à déjeuner et il donne tout le crédit à Dieu ! » Ca me mit de nouveau en colère.
Je n’allez pas lui demander depuis combien de temps il n’avait pas commandé à manger à la carte, et je ne voulais même pas savoir pourquoi. Tout ce que je voulais maintenant, c’était terminer ce déjeuner et sortir de là. Le serveur vint prendre notre commande. J’allais commander du vin mais me repris et quand le serveur fut parti, je demandai :
« Qu’avez-vous fait de l’argent que vous a donné mon fils ? »
« Je me suis acheté de nouveau sous-vêtements. » répondit-il. D’un air penaud, je commandai du vin.
« Vous n’avez pas à faire ça pour moi, » dit-il. « Je ne bois plus du tout. » Mais j’en commandai tout de même.
*Nos entrées arrivèrent. Je me demandai si je devais lui expliquer comment se servir des couverts, mais il s’en sortit plutôt bien avec le couteau, dévorant tout le pain du panier. Puis il se rassit et comme je terminai, il demanda :
« Pourquoi êtes-vous désolée à propos de vous-même ? »
J’avalai ma bouchée et dit :
« Je ne suis pas désolée pour moi-même. »
Il regarda légèrement au-dessus de mon épaule et dit :
« C’est pour ça ? Merci Seigneur. »
Je me retournai pour voir si quelqu’un se tenait derrière moi et en fut saisi. Je n’allais pas jouer à ce petit jeu là. S’il voulait parler à des personnes dans les airs, je n’allais pas prétendre qu’elles étaient là. Je me replongeai dans mon assiette.* Il dit alors :
« Le Seigneur vient de me dire que si vous étiez si désolée pour vous-même, c’est parce que votre mari vous traité comme un animal de compagnie jusqu’à ce que vous ne lui soyez plus d’aucune utilité et qu’il vous jète alors hors de sa vie, comme un sac poubelle. »
Ma fourchette se suspendit dans les airs.*
« Comment le savez-vous ? » demandai-je d’un ton bourru.
Quelles raisons aurait cet homme de jouer au détective pour découvrir des information personnelles sur moi ? Que voulait-il ? Il dit :
« Le Seigneur me l’a dit. » Il sourit et regarda par-dessus mon épaule et fit de grands gestes pour que je fasse de même. Mais je restai stoïque, me rappelant que les simples d’esprits sont réputés pour recevoir des informations des airs. Nos cerveaux émettent des signaux électriques. Peut-être que ces gens les reçoivent ? *Mais comment pouvait-il le savoir ? Je ne me souvenais pas avoir pensé à cela à aucun moment de la journée, ou même cette nuit où je lui avais donné mon châle.
Le serveur nous débarrassa et apporta les plats principaux. Exaspérée, je demandai :
« Et comment ‘le Seigneur’ vous dit-il toutes ces choses ? »
« Je les sais, tout simplement. D’un coup, je vais connaître quelque chose que je ne savais pas auparavant : c’est le Seigneur qui me le dit. »
Son assiette nettoyée et le second panier à pain vidé, Jean-Claude croisa les bars et me regarda d’un air entendu. Je ne voulais pas savoir ce qu’il savait à propos de moi, et me préoccupai donc de ma nourriture.
Puis, il demanda sans détour :
« Pourrai-je prendre une douche chez vous ? »
« Une douche ? » Stupéfaite, j’examinai sa demande. J’avais couvert ses jambes nues dans le froid. Je l’avais nourrit parce qu’il avait manqué son déjeuner à cause moi. Et maintenant, devais-je le laisser venir dans ma maison et utiliser mes affaires personnelles ??
Il dû lire le dégoût sur mon visage, parce qu’il se pencha sur la table et dit :
« Je vous promets que je nettoierai derrière moi ; mais je n’ai pas prit un bain depuis si longtemps que je ne me souviens même plus de ce que ça fait ! »
Comment pouvais-je dire non ?
« Si je vous laisse prendre une douche, allez-vous vous en aller et ne plus traîner autour de ma maison ? Pouvez-vous me le promettre ? »
Il eut un air triste :
« Mais vous m’avez donné quelque chose d’autre l’autre soir avec votre châle, et je ne vous en ai pas encore parlé. »
« Que vous ai-je donné ? » soufflai-je.
« Vous m’avez donné une chance de parler à quelqu’un du Seigneur. »
Les desserts arrivèrent. Il fixait sa tarte tatin.*
« Vous pouvez me parler du Seigneur en mangeant votre dessert » proposai-je.
Il s’éclaira et attaqua sa tarte aux pommes. Entre deux bouchées, il disait :
« J’ai ramassé un papier sur le quai il y a plusieurs mois, *et j’ai lu le Nom de Jésus en haut. Il y avait une représentation de cet homme aux cheveux longs et aux yeux véritablement amicaux. Le papier disait que cet homme était mort pour mes péchés, et il y avait aussi quelques versets de la Bible, puis une prière appelée la « Prière du Pécheur ». J’ai lu ce papier et ai commençais à penser à ma vie. Et j’ai su que j’avais beaucoup péché, alors, j’ai fait cette prière. Cet homme sur le papier, Jésus, est venu en moi. Je ne sais pas comment le dire autrement. J’ai ressenti Sa chaleur, et je me suis senti aimé Je ne me rappelle pas m’être jamais senti aimé, mais je savais que c’était l’amour. Depuis ce jour, je connais simplement les choses. Jésus m’a enseigné à propos du Paradis et je Lui ai demandé si je pouvais y allé et vivre avec Lui. Il a dit oui, mais qu’il fallait d’abord que je parle de Lui à quelqu’un. Je ne connais personne ici et j’ai attendu longtemps pour parler à quelqu’un. Et puis vous avez mis le châle sur mes jambes, et j’ai su que vous m’aviez donné deux choses : le châle, et l’occasion de vous parler de Jésus.
Sa simplicité me toucha, alors je dis :
« D’accord, vous m’avez parlé du Seigneur, et, oui, vous pouvez venir prendre une douche chez moi. On peut y aller ? » Je payai l’addition, et nous partîmes.
Nous marchâmes jusque chez moi sans un mot. *Je savais que ce vieil homme ne représentait aucune menace pour moi, il avait juste un petit vélo dans la tête. Je lui montrai la salle-de-bain, lui donnai une serviette, et il ferma la porte. Mais je ne me sentais pas à l’aise à l’intérieur pendant qu’un étrange monsieur prenait sa douche dans ma salle de bain. J’enfilai donc un manteau et sortis sur le balcon.
Après un assez long moment, je rentrai et trouvai la porte de la salle de bain ouverte, mais aucun signe de Jean-Claude. *Je gravis l’escalier en spirale et il était là, dans mon lit, au milieu de mon confort, ses cheveux shampooinés encore humide sur mon oreiller, les yeux fermés, le bras dans les plumes de ma robe d’intérieur en satin ivoire qui l’entourait, les mains jointes sur sa poitrine. Il semblait prêt à être enterré, sauf avec cette stupide robe. *Dormir dans un lit était probablement quelque chose qu’il n’avait pas fait depuis longtemps qu’il ne s’en souvenait plus.
Je redescendit, ne sachant que faire, quand je me demandai où étaient ses vêtements. Je les trouvai sagement suspendus derrière ma porte de salle de bain, mais sales, et répandant une telle puanteur ! J’eu alors une idée. Je pris ses mesures en mesurant ses vêtements, les mis dans un sac poubelle, essayant de le maintenir fermé pour éviter que l’odeur ne se répande et sortis précipitamment par la porte. La boutique pour homme au bout de la rue fournirait une nouvelle tenue parfaitement adapte, des chaussures au manteau. Je lui pris aussi une écharpe d’homme.
Mes courses prirent plusieurs heures, et de retour, j’appelai d’en bas. Il descendit promptement, enserré dans ma robe d’intérieur :
« Merci. » dit-il simplement et il se dirigea vers la salle de bain.
Je lui tendis mes paquets :
« C’est pour vous. »
Il les prit sans rien dire et entra dans la salle de bain. En en sortant, il avait l’air d’un homme normal. Un sourire fendait son visage d’une oreille à l’autre.
« Comme le Seigneur est bon envers moi !! » jubilait-il.
Je souris simplement. Sur un autre merci, il partit et sans se presser dit :
« Vous ne me reverrez plus. Je suis en route vers le Paradis. Et maintenant ,j’ai de beaux vêtements dans lesquels être incinéré. »
J’allai protester quand il dit :
« Vous ne vous rappelez pas ? Vous m’avez laisser vous parler de Jésus. » Il sourit et dit au revoir.
Je m’imaginai qu’il serait de nouveau devant ma porte, mais j’avais fait tout ce que je pouvais faire pour lui, et je n’avais plus peur.
Un peu avant minuit, après le film de la Deux, je commençai à m’agiter. Je ne savais pas pourquoi, mais il fallait que je retourne à cette grille d’aération pour voir s’il était toujours là, pour savoir si tout allait bien. * J’arrivai juste à temps pour voir une ambulance s’éloigner. Je tirai sur la veste d’un policier qui était à mes côtés :
« Que s’est-il passé ici ? »
« Un de nos citoyens est apparemment mort pendant son sommeil sur cette grille, Madame. »
« Oh ! » je m’étranglais presque, puis décrivis les vêtements que je lui avais acheté. « Est-ce ce qu’il portait ? »
« Oui, tout à fait. Le clochard le mieux habillé que j’ai jamais vu. Le plus heureux aussi : Il avait un grand sourire sur le visage ! *»
« Va-t-il être incinéré dans ces vêtements ? » demandai-je.
« Oh, je ne crois pas. On va les vendre pour payer les funérailles. »
Je passai la moitié de la nuit au commissariat, m’arrangeant pour payer les funérailles s’ils me garantissaient qu’il serait incinéré dans ses vêtements. * Mais une fois arrivée à la maison, je me sentis misérable. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? J’avais fait plus pour ce clochard en un jour que je n’en avait fait pour n’importe qui au cours de toute ma vie. En fait, quand je me remémorais ma vie, j’avais vraiment peu de choses à dire. J’avais été un femme égoïste et arriviste, utilisant les autres à mon seul avantage. Ma réflexion me fit me sentir pire que jamais.
C’est alors que je me souvins de Jésus et dis la petite prière, que Jean-Claude avait je rois appelée la « Prière du Salut ». Je demandai à Jésus de me pardonner, de venir répandre sa vie en moi, et de devenir mon Seigneur. A l’instant où je dis « Amen. », quelque chose de chaud vint en moi. Jésus apparu devant moi. Soudain, je connaissais des choses. Je su à quel point j’étais aimée. Je su que cet Amour ne me quitterait jamais pour quelqu’un d’autre. Je su que Jean-Claude était au Paradis, satisfait et heureux.
Je parti alors me coucher, en paix.