Je voulais sortir. Marcher dans la fraîcheur allait au moins m’éclaircir les idées. Je n’avais pas dormi. J’ai laissé JJ et JO devant les dessins animés du samedi. J’ai obligé mon mari à rester avec eux. Il détestait faire du baby-sitting. Des nœuds dans la tête, abrutie jusqu’à la dépression, mes pas me conduisirent au Quai du Pêcheur, endroit qui avait connu des jours meilleurs. Piétinée dans mon être jusqu’à la moelle, je désirais l’être aussi par la foule. Les gens qui faisaient leurs courses de Noël envahissaient le Quai, pourtant les cafés restaient plutôt déserts, alors je me suis installée en terrasse. On me jetait des regards étranges car je ne me rendais pas compte que je pleurais. J’essuyais mes larmes machinalement sans prendre conscience de la cause de ce geste. Je m’en fichais pas mal ! On pouvait bien me dévisager ! Personne n’avait un conjoint qui venait de confesser son amour pour quelqu’un d’autre ! Ces badauds, que savaient-ils de la douleur, de la souffrance ? Leur monde ne s’était pas transformé en farce ! Au nom du ciel, comment pouvais-je me défendre ? S’il avait aimé une femme j’aurais pu inventé un plan, une méthode pour le récupérer, mais je ne pouvais me transformer en homme. Si c’était là son désir, je ne pourrais jamais le satisfaire. Même si j’avais eu un plan, je lui avais déjà donné le meilleur de moi-même. Le fait de ressasser comment m’enfuir ne me donnait qu’un pâle soulagement, aussi pâle qu’un soleil hivernal. J’avais décidé de postuler pour un poste d’enseignante dans le Missouri où j’avais obtenu une habilitation à enseigner permanente. J’irais sans doute près de Branson là où j’étais allée en camp de jeunes. J’allais certainement pouvoir obtenir un poste dans une école quelconque et élever mes enfants dans un bel endroit. J’aime avoir des projets. On ne peut pas s’en éloigner si on en n’a pas. Même si je m’éloignais toujours de mes projets, il ne me venait jamais à l’esprit qu’il pouvait y avoir un projet supérieur au mien qui orienterait les circonstances vers un but différent. Toujours est-il que ce jour-là, réconfortée, je suis repartie vers la maison.
Il y avait dans notre voisinage une église qui avait une statue dorée en façade dont je m’étais toujours moquée. Pourtant c’est là que mes pas m’ont conduite. Qu’est-ce que je fabriquais ? Je m’installai sur un banc au fond et fixai le plafond voûté. Alors les larmes incessantes se firent entendre. Ai-je hurlé ma douleur ? Ai-je expliqué mon problème à une armée d’aides invisibles ? Tout ce que je sais c’est que j’ai entendu des pas discrets. Puis des chuchotements. Quelque chose est descendu en virevoltant, piquant plusieurs fois sur moi, comme une brise légère, comme une plume, peut-être était-ce une colombe, et j’ai entendu ce mot : « Reste ». Une paix palpable s’est installée dans mon cœur et a envahi mon être. Quand je me suis levée pour rentrer chez moi j’ai vu un prêtre agenouillé devant l’autel en prière. Alors que je m’approchais de la maison, la Mach 4, ou quelque chose comme ça, dont Henry était si fier était garée dans notre allée. Oh pour sûr, je connaissais bien l’amant. Un vieil ami de la famille. On avait passé des tas de moments de détente avec lui dans sa maison près de la plage dans la baie de Bodega ou bien lui était venu chez nous pour dîner. Je me suis arrêtée sur le trottoir d’en face me demandant quoi faire. Alors mon mari a ouvert la portière du passager, est sorti et a traversé la rue pour me rejoindre. ▬ Qu’est-ce qu’il fait là ? ▬ Il ne fait que passer. ▬ Tu as laissé les enfants seuls à la maison ? ▬ Oui. ▬ Ils sont trop jeunes pour être laissés seuls. Il me regardait mais il ne voyait pas le visage ravagé, l’écoulement des larmes ou la douleur ou même mon inquiétude face à son éducation des enfants apathique. Il ne voyait que lui-même dans sa situation et il semblait l’apprécier. J’ai compris que je devais poser mes premières limites. ▬ Cet homme ne remettra pas les pieds chez moi. Compris ? Il fit un signe de tête. Puis j’ai traversé la rue en remarquant l’au revoir pathétique d’Henry du coin de l’œil et j’ai escaladé les marches vers la maison. Mon mari est remonté dans la voiture mais peu de temps après j’ai entendu le vrombissement du moteur puissant quand Henry est parti et John a alors regagné la maison. On ne s’est pas parlé le reste de la journée. Cette nuit-là nous devions assister à une soirée de Noël au club où travaillaient les deux hommes. Je me suis fait de grosses boucles au sommet de la tête et j’ai mis une robe de soie que j’avais créée dans un cours de haute couture mais le corps qui portait la robe et les boucles était fait de bois. J’ai quand même réussi à aller au club pour le dîner et le spectacle et à m’asseoir à une table ronde entre mon mari et son amant. Henry, bavard impénitent, remplissait l’atmosphère de paroles que je n’entendais pas, en majeure partie parce que toute mon attention était fixée sur ses mains. Ses ongles manucurés par des professionnels brillaient. Ses ongles parfaitement carrés prolongeaient ses mains parfaitement carrés qui tapotaient la table. Il m’est venu à l’idée que son corps était tout aussi carré sans doute, mais cette idée me donnait envie de vomir dans le seau à glace qui contenait le vin. Henry bien évidemment parlait de beaucoup de choses qui n’avaient rien à voir avec l’évidence quand John s’est penché et a dit ostensiblement : ▬ Elle sait, Henry, Marty sait. Je ne pouvais pas m’empêcher de regarder ces mains, même quand elles ont tremblé et presque renversé le verre. Étant donné qu’il avait eu l’après-midi entier pour réfléchir au problème, il a demandé à mon mari : Que veut-elle faire à ce sujet ?
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Marty
Delmon Écrivaine
Évangéliste Enseignante Écrire était profondément inscrit dans mes gènes si je peux parler ainsi. Mais quand j’ai donné ma vie à Jésus, Il m’a dit qu’Il m’avait créé pour écrire toutes mes aventures spirituelles et j’ai commencé à le faire. Après tout, si Dieu tout puissant me faisait com- prendre que son projet sur moi c’était d’être son écrivain, qui suis-je pour discuter son plan ?
Mon espérance, c’est vous n’aimiez pas seulement ce que j’écris mais que mes mots changent votre vie. Qu’ils vous mettent en route vers Jésus et avec Jésus. Que vos jours avec Lui sur cette terre, ressemblent au ciel. Archives
October 2018
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