Jo entra énergiquement et se laissa tomber dans le sofa. Jordan traversa le salon comme un petit soldat de plomb et s'assit roidement à côté d'elle. Elle lui prit la main. Il avait l'air résigné de celui qui pense : « Ouais, bien sûr, nous devons nous prendre la main, c'est ce qu'il faut faire. » – Eh bien, Jordan, voilà une nouvelle plutôt surprenante. Qu'est-ce que tu comptes faire ? Il me faisait tout à fait l'impression d'un petit chiot ; il ne lui manquait plus que d'avoir la langue pendante et un filet de bave. – Nous devrions nous marier, tu ne penses pas ? – Nous voulons nous marier, intervint Jo. Je ne veux pas aller en France. – Où pensez-vous habiter ? dis-je presque en chuchotant.
– Nous pourrions habiter chez maman, suggéra aussitôt Jordan. – As-tu économisé de l'argent pour pouvoir assumer un bébé en plus de ta femme ? Il secoua la tête, l'air honteux. – Non, je gagne juste le salaire minimum. Il y eut comme une évidence dans mes pensées et ces mots fusèrent de mes lèvres : – Jo pourrait venir avec nous pour l'été. Ça te donnerait le temps de trouver un meilleur job et d'économiser de l'argent, et ensuite, si vous voulez toujours vraiment vous marier, vous pourriez le faire. Mais franchement, je trouve que tu devrais économiser de l'argent et nous rejoindre en France, Jordan. Vous pourriez vous marier là-bas, ou ici après l'été, si vous préférez, puis venir en France pour la naissance du bébé. Nous pourrions t'embaucher dans notre ministère. Les yeux de Jordan pétillèrent. – Waouh ! J'adorerais vivre en France. – Attends une minute, maman, coupa Jo, on dirait que tu es en train d'essayer de nous séparer. – Non, répliquai-je, mais ce n'est pas parce que tu es enceinte que vous devez nécessairement vous marier. – Et si nous nous mariions maintenant ? Est-ce que tu voudrais quand-même emmener Jordan avec nous en France ?, demanda Jo. Déglutissant avec peine, j'ai fini par livrer le fond de ma pensée. – Non parce que cette décision n'aurait pas été bien pesée et apportée à Dieu dans la prière. Jordan se tourna vers Jo. – J'aimerais beaucoup mieux aller vivre en France avec tes parents plutôt que de rester dans ma p'tite chambre et d'habiter avec ma mère et son compagnon. Faisons comme a dit ta mère. Un été, c'est vite passé. Jo soupira et accepta ma proposition. Je soupirai, moi aussi, et remerciai Dieu de m'avoir inspirée. Plus tard, ce soir-là, quand Jordan fut reparti, j'ai dit à Jo que je j'accepterais son choix. Si elle voulait se marier, je ferais tout mon possible pour aider Jordan à devenir un adulte responsable. Et le faire venir en France serait le meilleur moyen pour ça. Si elle voulait faire adopter le bébé, je l'y aiderais, et même si elle voulait avorter, je ne m'y opposerais pas. Je lui ai seulement demandé de prier et de faire ce que Dieu lui montrerait. – Maman, je ne suis pas mécontente d'avoir ce bébé, me dit-elle. Je vais accoucher, je vais le garder et me marier avec Jordan. Je m'émerveillai de sa fermeté, mais j'insistai : – Jo, assure-toi seulement de faire ce que Dieu te demande. Nous avons prié et elle a demandé pardon. Mais à l'évidence, elle était trop enthousiaste pour recevoir une vraie repentance. Elle a cependant demandé au Seigneur de lui dire ce qu'elle devait faire. Quelques jours plus tard, tandis que je m'occupais de remballer les choses de la cuisine en pleurant, un ange apparut soudain à l'entrée de la pièce. Comme j'avais des cartons jusqu'aux genoux et qu'il y avait du papier d'emballage répandu partout sur le sol, et des casseroles, des marmites et des poêles empilées sur le plan de travail, cette apparition ne me troubla pas. L'ange me demanda : – Pourquoi pleures-tu ? Et là, j'ai commencé à tout lui raconter comme si cet ange était un peu simple d’esprit. – C'est parce que je ne peux pas emporter mes affaires en France et que je dois faire tout ce remballage en seulement quelques jours, que nous n'avons pas de permis de séjour et que, ajoutai-je en gémissant, ma fille est enceinte. L'ange a dit : – Ne vois-tu pas la joie qui t'est réservée ? Et il disparut. « Quelle joie ? », me suis-je demandé. En considérant le chaos environnant, je n'y voyais aucune joie. Mais ensuite, j'ai pensé au jeune homme merveilleux qui nous attendait en France pour que nous exercions notre ministère dans son église. Et j'ai pensé aussi que JJ et Jo venaient avec nous. J'ai pensé à l'œuvre de Dieu que nous ferions tous ensemble et ensuite je l'ai vue. Il y aurait une grande joie ! Certainement, Dieu allait aussi changer en joie la grossesse de Jo. Ce que Satan a prévu pour le mal, Dieu le change toujours en bien. Et ainsi, toujours en pleurs, j'ai commencé à empaqueter en affirmant que tout serait bien, quelles que soient les apparences. Les pensées de Jo oscillaient : un moment elle voulait venir, le moment suivant elle ne voulait plus. Finalement, elle est partie en France avec nous, décidée à retourner aux États-Unis pour épouser Jordan, mais elle a accepté de tout remettre entre les mains de Dieu. Pendant que nous étudiions à l'école de langues de Tours, elle consulta un médecin français pour un examen de routine. Il lui dit qu'elle ne pouvait pas prendre l'avion parce que son col utérin était suffisamment ouvert pour causer des problèmes dans un habitacle pressurisé. Elle prit cela comme un signe que Dieu lui envoyait pour lui dire de ne pas se marier avec Jordan. Merci Seigneur ! De toute façon, aucune lettre ni aucune carte ne lui parvint de la part de Jordan et Jo découvrit quelques années plus tard qu'il avait eu un autre enfant à cette même période. Cette année en France m'a rendu ma fille. Nous avons longuement marché ensemble et parlé de choses profondes. Nous avons fait des projets pour le bébé et avons posé nos mains sur le ventre de Jo et prié pour ce petit être. La petite Brittany m'a donné plus de joie que ce que j'aurais imaginé. La communauté chrétienne nous a adoptés avec tous nos problèmes, ou en tout cas ceux qu'ils connaissaient et ils ont aimé Jo. Ils ont accepté John comme un pilier de l'église et le merveilleux jeune homme qui était notre pasteur l'a invité à faire partie de l'administration. John a assisté à deux réunions et puis il n'a plus voulu y aller. Le pasteur m'a demandé ce qui n'allait pas ; je lui ai dit que j'essayerais de le savoir. – Tu n'y vas pas ce soir ?, ai-je demandé à John le soir de la réunion suivante. Ce n'est pas maintenant que les leaders se rencontrent ? – Non. Je n'assiste plus à ces réunions. – Pourquoi donc ? – Ils ne font rien comme il faut. – Comment ça ? – Il n'y a aucun ordre. Ils n'ont pas l'air de suivre un plan. Tout le monde parle et parle et rien ne se fait. – Est-ce que ce n'est pas justement ton rôle de les aider à s'organiser ? – C'est un véritable chantier. – John, écoute-moi. Quand les choses sont en désordre, c'est le moment de relever tes manches et de te mettre au travail. – Non, ce n’est pas pour moi. – Tu veux dire que les choses doivent être parfaites avant que tu acceptes d'y participer. – Exactement ! dit-il en donnant un coup de menton, comme pour se défendre. – Si les choses étaient parfaites, il n'y aurait pas besoin que tu sois là, répliquai-je. Mais il n'y avait pas moyen de faire bouger John. Il n'assista plus à aucune réunion. Je n'ai pas rapporté au pasteur les paroles de John. Je lui ai simplement dit que John pensait qu'il n'était pas à sa place. Nous avons vécu et enseigné pendant un peu plus d'un an dans cette merveilleuse communauté qui nous a formés et adoptés à la fois. Puis nous sommes partis vers le nord de la France pour démarrer l'église. Les enfants sont retournés en Oklahoma, Jo pour étudier à l'université et JJ pour aller à Rhema. Pour la première fois de notre vie, John et moi nous retrouvions seuls, vraiment seuls. Comme j'étais la seule personne à qui il pouvait s'en prendre, puisque son peu de connaissance du français ne lui donnait pas les moyens d'être caustique, j'étais frappée de plein fouet par son mal-être. Pendant un an et demi, j'ai dû supporter sa supériorité et sa mauvaise humeur. Ni affection, ni aucune vie sexuelle, ni la moindre reconnaissance ; je devais me taper tout le travail, et j'étais constamment agressée par sa langue vénéneuse. J'écrivais ses sermons tout en devant faire comme s'ils étaient les siens. J'ai tout lâché. Je me suis inscrite à temps complet à l'école de langues pour apprendre le français, ce qui montrait bien que je n'avais plus le temps d'aider John. Il a supporté ça pendant un mois, puis il est venu vers moi, démoralisé. – Florence et Claude sont venus me voir pour me dire qu'ils allaient quitter l'église. – Oh, vraiment ? dis-je en levant les yeux de mon cahier. Est-ce qu'ils ont dit pourquoi ? John était au bord des larmes. – Ils ont dit que je n'avais pas d'onction. – Que leur as-tu répondu ? – J'ai dit que j'avais certainement autant d'onction que le prochain qui se présenterait. Il était juché au bord du tabouret de bar où il était assis et ses bras pendaient lamentablement entre ses jambes. – Tu crois cela ?, lui ai-je demandé doucement. John a regardé un moment par la fenêtre, puis il a dit : – Non, c'est vrai. Ils ont raison. Je n'ai pas d'onction. Défait, il m'a regardée : – Qu'est-ce que je devrais faire ? – Qu'est-ce que tu veux faire ? – Veux-tu m'aider à nouveau ? dit-il presque en chuchotant. Je devais avoir changé sans m'en apercevoir car rien en moi ne désirait l'aider. Je ne voulais en aucun cas redevenir sa partenaire. Je n'avais même pas envie de prendre ma revanche. – Je ne peux pas, lui ai-je répondu. L'école me prend trop de temps. John était à nouveau au bord des larmes. Au bout d'un moment où nous réfléchissions tous les deux sur la situation, je me rendis compte que je ne pouvais pas m'empêcher de l'aider. – Mais j'ai une idée, ai-je suggéré. Pourquoi ne pas partir ensemble pendant un week-end pour prier. Voyons ce que le Seigneur nous dira de faire ? John accepta de demander à quelqu'un de prêcher à sa place. Nous sommes allés à La Rochelle dans une charmante petite chambre hôtel qui donnait sur la mer et nous avons passé des heures en prière. C'est du moins ce que, moi j'ai fait. La capacité de prière de John étant, pour le moins, limitée, il a dormi ou est allé marcher pendant que je priais. J'ai ressenti, dans ces moments de prière, que le Seigneur me disait de retourner aux États-Unis pour collecter des fonds afin de commencer à travailler à ce centre qu'il m'avait montré il y avait déjà longtemps. John s'est mis en colère quand je le lui ai dit. – C'est une idée ridicule ! Tu te rends compte combien ça va coûter ! Il va falloir tout emballer, chercher un garde-meuble et trouver une maison. Où allons-nous habiter, de toute façon ? Qui prendra soin de l'église quand nous serons partis ? Où trouverons-nous l'argent pour tout cela ? Je ne me suis pas laissé déstabiliser par son explosion. – Si c'est l'idée de Dieu, il pourvoira à tout. Il nous suffit de faire les pas nécessaires pour aller là où il nous veut. Ce n'est pas notre affaire. Il nous suffit de prier et d'obéir. – Comment puis-je savoir si c'est le plan de Dieu ?, demanda John. – Je suppose que tu vas devoir prier. – Es-tu sûre d'avoir bien entendu ?, dit-il en boudant. – J'ai dit : 'Je crois que j'ai entendu Dieu me dire'... Vérifie, demande-lui toi-même. – Je n'entends pas Dieu me parler ! Tu le sais très bien ! – OK, je vais y aller, dit-il en faisant la bouche en cul de poule. – John ! dis-je en suffoquant, est-ce que tu vas faire quelque chose que tu n'as pas envie de faire simplement sur ma parole plutôt que de prendre le temps d'interroger Dieu ? – Oui !, dit-il d'un air de défi, avant de quitter la pièce. Je savais que j'avais entendu Dieu me parler. Il voulait nous faire sortir d'une situation où il ne nous avait jamais demandé de nous trouver. Je savais aussi que le Seigneur m'accordait le désir de mon cœur : retrouver ma fille. Elle était en détresse à l'université et je savais que je devais lui faire quitter l'Oklahoma.
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Marty
Delmon Écrivaine
Évangéliste Enseignante Écrire était profondément inscrit dans mes gènes si je peux parler ainsi. Mais quand j’ai donné ma vie à Jésus, Il m’a dit qu’Il m’avait créé pour écrire toutes mes aventures spirituelles et j’ai commencé à le faire. Après tout, si Dieu tout puissant me faisait com- prendre que son projet sur moi c’était d’être son écrivain, qui suis-je pour discuter son plan ?
Mon espérance, c’est vous n’aimiez pas seulement ce que j’écris mais que mes mots changent votre vie. Qu’ils vous mettent en route vers Jésus et avec Jésus. Que vos jours avec Lui sur cette terre, ressemblent au ciel. Archives
October 2018
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